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Jeudi 09 Novembre – 17h 15 – Mediathèque A. Labarrere – PAU – La Contrebasse dans le Jazz

Conférence La Contrebasse dans le Jazz (9 novembre)

Dans le cadre de la deuxième saison Internationale de Jazz de Pau, le service culturel de la Ville de Pau en partenariat avec la Médiathèque André Labarrère propose des conférences en lien avec la programmation.
A l’occasion du concert donné par le trio du contrebassiste Avishai Cohen le vendredi 10 novembre (premier concert de la saison jazz 2023/2024) aura lieu une vidéo-conférence intitulée :

Pierre-Henri Ardonceau

Membre de l’Académie du Jazz et de la rédaction de Jazz Magazine

Jeudi 9 novembre à 17H15

LES GRANDS NOMS DU JAZZ (5)

Duke ELLINGTON (1899 – 1974)

DUKE ELLINGTON

L’ARISTOCRATE DU JAZZ

Beaucoup de musicologues et historiens du jazz qualifient Edward Kennedy (dit « Duke ») Ellington de génie. Son œuvre immense a résisté au temps et aux modes. Il est aujourd’hui encore source d’inspiration, pour d’innombrables jazzmen.

Ses parents font partie de la bourgeoisie noire de Washington. Sa mère, très distinguée, lui inculque les bonnes manières et son père lui apprend l’importance d’avoir confiance en soi. Un de ses camarades impressionné par sa distinction « naturelle » le surnomme Duke… Surnom qu’il portera avec grâce et dignité tout au long de sa vie. Adolescent, il est attiré par les arts plastiques, ce qui pourrait expliquer sans doute une approche de coloriste en tant que futur instrumentiste et compositeur. A 16 ans il sent naître en lui une vocation de musicien. Il débute pendant quelques années comme modeste pianiste de ragtime dans un bar de Washington. Dès 1920 il s’installe à New-York, attiré par le succès du jazz « swing », très populaire dans les clubs New-yorkais. En 1925 il crée un grand orchestre. Et, jusqu’à la fin de sa vie ses « big bands » vont triompher dans le monde entier.

Un big band ellingtonien c’est: une section rythmique avec Duke au piano bien sûr, contrebasse, batterie, 5 ou 6 saxophonistes, 3 ou 4 trombonistes et 4 ou 5 trompettistes… Soit entre 15 et 17 musiciens sur scène: spectaculaire et impressionnant! Dans le Duke Ellington Orchestra vont jouer quelques-uns des plus brillants solistes de l’histoire du jazz. Remarquable : la plupart d’entre eux lui sont restés fidèles pendant de très longues périodes. Un des aspects essentiels de son génie c’est qu’il a su choisir parfaitement ses musiciens. Il s’est entouré des instrumentistes les plus qualifiés pour donner pleine vie à ses arrangements et les prolonger par leurs superbes improvisations. Les partitions de Duke tiennent compte du tempérament des interprètes tout autant que de leurs qualités musicales. Pour obtenir d’eux le maximum, il joue en virtuose de la relation affective qui existe entre lui et chacun de ses musiciens. Sans eux, sa musique n’aurait pu atteindre des sommets aussi élevés. De leurs côtés, ses musiciens avaient besoin de Duke pour faire éclore tous leurs dons. Preuve en est que, loin du maître, même les plus doués d’entre eux se sont parfois montrés moins convaincants.

Auteur de thèmes et arrangeur, le Duke fait preuve d’une fertilité et d’une inventivité étonnantes. Non seulement il enrichit le jazz de quelques-unes de ses plus belles mélodies, mais il obtient avec certains de ses airs un succès populaire considérable.

Il a créé, à la fin des années vingt, le style jungle, fondé sur l’opposition entre l’hyper-expressionnisme des cuivres (sonorités brûlantes, rageuses, rauques, obtenues à l’aide de la fameuse sourdine « wa-wa ») et la flexible rondeur des saxophones.

De 1927 à 1931 son orchestre est la vedette du mythique « Cotton Club » de Harlem. L’exotisme du style jungle ravit le public blanc (et riche…) qui emplit chaque soir le prestigieux et luxueux cabaret. Mais… les musiciens noirs n’ont pas le droit d’aller dans la salle à la rencontre du public ! Ils sont cantonnés aux coulisses. Ségrégationnisme brutal oblige…

Duke a composé (et co-composé) des centaines de thèmes. Un des plus populaires est certainement Caravan. Mais le titre de l’un d’eux résume bien sa vision du jazz : « Cela ne signifie rien s’il n’y pas le swing » ! Un manifeste…

Lorsque à la fin des années 40 le jazz moderne (le be-bop) nait, il fait savoir que, pour lui, ce style est riche et tout à fait dans la continuité logique de l’évolution du jazz « classique ». Il se refuse à participer aux querelles qui font florès à l’époque sur le « vrai et le faux jazz ». Pour lui « Il n’y a que deux sortes de musique, la bonne et la mauvaise ». A 64 ans, il enregistre au piano avec des géants du jazz (très) moderne : comme Charles Mingus ou John Coltrane. Une preuve de plus de son étonnante ouverture d’esprit. Il a donné beaucoup de concerts et enregistré de nombreux disques avec Ella Fitzgerald. Tous remarquables. Il a su parfaitement accompagner et stimuler Ella quand elle se lançait dans de vertigineuses improvisations en scat (imitation vocale d’instruments avec des onomatopées).

Ses mémoires « La musique est ma maitresse » sont passionnantes. Mais… la musique ne fut pas la seule maîtresse de ce grand et élégant séducteur !

Premier jazzman reçu à la maison Blanche. Décoré de la Légion d’Honneur en France.

En 1974 plus de 12 000 personnes ont assisté à ses funérailles.

Duke a traversé toute l’histoire du jazz, du ragtime à l’avant-garde.

Pierre-Henri Ardonceau

Dans 15 jours : Count Basie

LES GRANDS NOMS DU JAZZ (4)

Sidney BECHET (1897 – 1959)

Sidney Bechet

Monsieur « Petite Fleur »… mais pas que !

Sidney Bechet fut en France dans les années 50 et jusqu’à sa mort, une vedette ultra-populaire. Mais sa carrière, brillante… et mouvementée, avant son installation dans notre pays à partir de 1951, est peu connue du grand public. Elle mérite d’être rappelée car étonnante et prolifique.

Né à la Nouvelle-Orléans dans une famille créole, il se révèle surdoué à la clarinette dès son plus jeune âge. A 17 ans il participe déjà à moult concerts aux USA. A partir de 1919 et pendant plusieurs années il joue à Londres dans différentes formules orchestrales. Le suisse Ernest Ansermet, prestigieux chef d’orchestre symphonique, présent à un de ses concerts londoniens, écrit : « S. Bechet est un extraordinaire virtuose de la clarinette, un artiste de génie. Il ne veut rien dire de sa musique sauf qu’il suit sa propre voie… et c’est peut-être la route sur laquelle le monde entier swinguera dans l’ avenir ». Belle prémonition, car le jazz n’est alors pas encore né ! En 1921 suite à une bagarre dans un pub il est expulsé d’Angleterre. Première manifestation de son tempérament emporté… De retour aux USA, il a la « bougeotte », et reprend concerts et tournées. Il abandonne la clarinette après avoir acheté un saxo soprano… Ce saxophone est en métal, la clarinette est en bois. Ce qui le séduit dans le soprano c’est qu’il a un son puissant, ce qui n’est pas le cas de la clarinette. Le soprano lui permet de faire (presque) jeu égal avec la trompette qui est l’instrument roi des débuts du jazz. Cela convient bien à son immense égo. Il enregistre en 1924 avec Louis Armstrong : deux stars du jazz naissant déjà réunies ! En 1925 la Revue Nègre, avec Josephine Baker triomphe à Paris. Il fait partie de l’orchestre qui l’accompagne. Après avoir quitté la Revue il joue en Europe et dans des clubs parisiens. En 1928 à la suite d’une rixe, avec coups de feu, dans un cabaret proche de Pigalle, il est condamné à 18 mois de prison puis expulsé. La crise de 1929 et ses conséquences désastreuses pour les musiciens l’amène à ouvrir à New-York un pressing et une échoppe de tailleur ! La « vie en zigzag » encore… Mais avant la seconde guerre mondiale il connait à nouveau une période très créative. Il dirige des petites formations, qui tournent beaucoup et enregistre de nombreux chefs d’oeuvres pour des labels prestigieux. Etonnant : en 1941 il enregistre, seul, le thème « The sheik of Araby » en multi-pistes. Sur ce morceau c’est donc lui qui joue de tous les instruments en superposant les prises de son ! Assez incroyable pour l’époque et vraiment innovant.

En 1949 il est invité au 1er Festival International de Jazz de Paris par Charles Delaunay. Delaunay est le fils de Sonia et Robert Delaunay, les deux célèbres peintres. Mais il est aussi impresario de Django Reinhardt, responsable de la revue Jazz Hot et futur fondateur des mythiques disques Vogue… Un grand monsieur dans le monde du jazz d’après guerre. Grâce à ses relations, Delaunay obtient des autorités judiciaires l’autorisation pour S.Bechet (qu’il considère comme un géant du jazz) de revenir en France. Le jazz nouvelle-orléans connait un succès considérable en France depuis la libération dans les « fameuses » caves de Saint Germain des Près (et au delà). Bechet, qui pratique ce style au plus haut niveau de créativité, triomphe lors de ce festival de 1949. Il décide alors au début des années 50 de s’installer en France. Enfin « apaisé »… Il s’entoure d’excellents musiciens français de jazz traditionnel comme, entre autres, le clarinettiste Claude Luter. Et jusqu’à sa mort, en 1959, ses très nombreux concerts font le plein dans tout l’hexagone, mais aussi en Europe.

Sa popularité est immense. En 1955 ses admirateurs cassent les fauteuils de l’Olympia… Bien avant l’arrivée des rockers ! Il compose et enregistre des tubes : « Dans les rues d’Antibes », « Les Oignons » et bien sûr « Petite fleur ». Combien de nos lecteurs d’un certain âge, comme on dit, ont dansé et flirté sur « Petite Fleur », tube incontournable dans les boums des années 50? Certainement beaucoup ! Des jazzfans pointus firent les grincheux : « le vibrato exagéré de ses solos », était, pour eux, d’un « sentimentalisme trop mielleux ». Les amoureux de Bechet se moquaient de telles prises de position péremptoires… Les ventes de disques atteignent des sommets… Le festival d’Antibes Juan les Pins fut crée en 1960 en son honneur… Décédé il ne put y jouer. Son buste est installé dans la belle pinède de la ville.

Pierre-Henri Ardonceau

Dans quinze jours : Duke Ellington.

25/11/2023 – Biarritz – Les Oracles du Phono

Ce sextet dirigé par le saxophoniste Nicolas Fourgeux, prêche le retour du phonographe et du jazz des années 20-30 qui continue de faire vibrer par son éternelle fraîcheur. En effet, ils reprennent des morceaux des toutes premières grandes formations américaines (constituées de onze à vingt musiciens) qu’ils font sonner à 6 avec leurs propres arrangements.
Six prodigieux musiciens, amoureux de cette musique, vous proposent donc de revisiter un répertoire insubmersible avec une énergie et un swing jubilatoires.
Vous allez adorer ce jazz rétro qui met la banane… Et Dieu sait qu’on en a besoin en ce moment…

Nous vous attendons très nombreux pour partager ce grand moment. Réservez au plus vite au 06 61 54 33 55
Prix de la soirée : 61€

Jazz & CO 64

JAZZ & CO 64
Association dans le 64, ouverte à tous, qui a pour mission la promotion de la musique vivante, notamment dans le domaine du jazz, de ses composantes et de ses dérivés, afin qu’un large public puisse découvrir, écouter et apprécier cette musique et afin d’offrir aux musiciens des opportunités de se produire et vivre de leur art ».

19 Novembre 2023 – Fluffy Fox Trio au Rencontres PAU JAZZ

C’est avec grand plaisir que nous retrouverons dimanche 19 novembre à 17 heures le pianiste Etienne MANCHON au sein du FLUFFY FOX TRIO.
Nous l’avions déjà reçu début 2019 aux Rencontres Pau Jazz, il nous avait impressionné. Il est désormais sur le devant de la scène Jazz en France . Au Rencontres PAU JAZZ il nous présentera un hommage à Bill Evans
Etienne MANCHON (piano) sera accompagné de :
George STOREY(contrebasse) et
Malo EVRARD (batterie).

Etienne MANCHON
Né à Nancy en 1995, Etienne Manchon est un jeune pianiste évoluant dorénavant entre Toulouse et Paris. Passionné par le jazz et les musiques actuelles depuis l’adolescence, il a, à l’âge de 27 ans, plus de 500 concerts à son actif, en tant que leader et sideman dans de nombreux styles différents. Fort de ces expériences, Etienne construit un univers artistique unique, où s’entremêlent rock progressif, musique expérimentale, musique savante du XXème siècle et une solide base de jazz.
Influencé fortement par Pink Floyd qu’il a découvert à l’âge de quinze ans, il est également inspiré par l’incroyable pianiste et claviériste Jozef Dumoulin, ainsi que par la bouillonnante scène new-yorkaise (Ben Wendel, Mark Guiliana, Taylor Eigsti). Explorant le rythme comme principal terrain de jeu, Etienne développe en parallèle un sens aiguisé de la mélodie tout en portant une attention particulière au traitement du son.
Depuis 2016, c’est sous la forme d’un trio piano-contrebasse-batterie qu’il défend ses compositions, tantôt intimistes et retenues, tantôt grandiloquentes, cependant toujours défendues avec humour – non sans sérieux.
Son premier album en trio, Elastic Borders sort en 2019, avec Pierre de Bethmann, Pierre Lapprand et Ossian Macary en invités de marque. Ce premier opus est suivi en 2022 par Streets, dans lequel il confirme ses talents de compositeur et continue de sculpter son univers sonore personnel, ce qui lui vaut d’être nommé parmi les 10 musiciens à suivre en 2023 selon Jazz Magazine et Jazz News.
Sa prochaine aventure prend la forme d’un octet explosif : La Pieuvre Irréfutable, avec lequel il sortira son prochain album en septembre 2023.

Il crée en 2020 le duo Congé Spatial avec Pierre Lapprand, lequel connaît un rapide développement qui les conduira à enregistrer un premier album en octobre 2022.
Parallèlement à ses projets en tant que leader, Etienne a été entendu aux côtés d’Yves Rousseau, Jean-Marc Padovani, Alban Darche, Tom Ibarra, Nicolas Gardel, daoud… Il a également agi en tant que directeur artistique pour la chanteuse Amandine Bontemps et le groupe de turbo-jazz Bøl.

À côté de son activité dans le jazz et les musiques actuelles, Etienne accompagne également régulièrement des récitals de musique baroque et classique, notamment le baryton Philippe Estèphe, Aude Extrémo (Palazzetto Bru Zane), le chœur Les Éléments, l’Ensemble Lyra et le chœur Dulci Jubilo.
Etienne est également passionné par l’écriture et l’arrangement pour petites et grandes formations, influencé principalement par des personnalités telles que Kenny Wheeler, Maria Schneider ou Dave Holland. Il a notamment arrangé pour le big band toulousain L’Autre Big Band, le conservatoire de Montauban, ainsi que pour de nombreux projets ponctuels.

Discographie
2015 : EP La Recette – La Recette – distribué chez Cosmonostro
2016 : EP Towards Fulfilment – La Recette – distribué chez Black Milk Music
2017 : EP Infini – GÜZU – autoproduction
2017 : Double EP Originals / Standards at Night – Etienne Manchon Trio – autoproduction
2018 : EP Live Session au Cerisier – Etienne Manchon Trio – autoproduction
2019 : LP Elastic Borders – Etienne Manchon Trio – Label Troisième Face
2020 : EP Grand Forest Express – Etienne Manchon Trio – Label Troisième Face
2020 : LP Fragments – Yves Rousseau Septet – Label Yolk
2021 : LP Monday Morning Riot – Etienne Manchon/George Storey/Pierre Pollet – Label Fluffy Fox
2021 : LP Relief – Amandine Bontemps (en tant que directeur artistique) – Label Anima Nostra
2022 : LP Streets – Etienne Manchon Trio – Label Regarts
2022 : LP Frog’s Performance – Six for Six – Label Anima Nostra
2022 : EP Get Away – Meshaï – autoprodu

LES GRANDS NOMS DU JAZZ (3)

Mister Jelly Roll Morton (1885 – 1941)

L’extravagant Mister Jelly Roll Morton
Le parti pris des chroniques bi-mensuelles « Grands Noms du Jazz » est de publier des portraits de  jazzwomen et de jazzmen dont le nom est supposé être connu du grand public, hors du cercle des jazzfans «premium» (celui des spécialistes pointus et des érudits…).
La chronique de ce jour fait exception car le nom de Jelly Roll Morton, étonnant personnage des tous débuts de l’histoire du jazz, «parle» surtout aux historiens de cette musique. Pourtant, à plus d’un titre, il nous a paru intéressant, d’inclure Ferdinand Joseph Lamothe (son véritable patronyme!) dans notre série d’articles quinzomadaires…
D’origine créole et française (son année de naissance exacte n’est pas connue : 1885 ou 1890?), pianiste brillant, il est très populaire à La Nouvelle-Orléans, au début du XXème siècle, en tant qu’interprète,  virtuose impressionnant, du ragtime. Cette musique syncopée a joué un grand rôle dans la naissance du jazz. Le ragtime est agréable à écouter mais c’est une musique «rigide», assez «figée». Les thèmes de ragtime se jouent à partir de partitions. Ou sont joués à partir de «rouleaux» pour les pianos mécaniques… A la différence du jazz le ragtime ne swingue pas et ne se prête pas aux improvisations… Jelly Roll va faire évoluer le ragtime en le transformant en une musique plus aérée, plus souple. Ouvrant ainsi la voie aux grands pianistes swing des années 30 comme Duke Ellington ou Count Basie.
Dans les innombrables «établissements de plaisir» de New-Orleans des ragtimes, sont joués sur le piano qui trône dans les salons «d’accueil». Ils sont destinés à créer une atmosphère «guillerette», très utile pour faire patienter les clients…
Dans son film, fort choquant, «La petite», Louis Malle, met en scène, longuement, la «mise aux enchères» d’une très jeune fille dans une «maison close» de la capitale de la Louisiane. Malle a dédié ce film à Jelly Roll Morton! Et son personnage est évoqué dans plusieurs scènes…
Jelly Roll ne se contentait pas de jouer dans les bordels, il fut aussi proxénète et fier de l’être.
Tout jeune il est déjà riche et célèbre à Storyville, le fameux quartier des «lanternes rouges» («Red Light Quarter»). Lanternes qui indiquent la porte d’entrée des « maisons de tolérance »…
Flambeur, il joue. Au poker. Beaucoup. Au billard aussi. Aux dés. Il porte des vêtements luxueux. Fréquente les truands. Il se fait incruster un diamant dans une incisive… C’est son hyper activisme sexuel, dont il se glorifie (il se pavane souvent avec deux belles femmes à ses bras!), qui l’a conduit à choisir un pseudonyme assez transparent : «Jelly Roll». Les musiciens afro-américains raffolent du « slang ». Un argot codé où les références salaces abondent. Dans cet argot le «jelly roll» est un « gâteau roulé ». Allusion évidente au sexe masculin!
Pendant de nombreuses années il va être pianiste itinérant. Musicien nomade il sillonne avec succès les Etats Unis… mais garde La Nouvelle-Orléans comme port d’attache. Il joue fréquemment à Chicago (avant même que cette ville ne devienne la capitale du jazz naissant dans les années 20). S’installe pendant 5 ans à Los Angeles où il devient éditeur de partitions. Compositeur prolixe et brillant il gagne beaucoup d’argent avec cette nouvelle activité.
Il fait imprimer des cartes de visite sur lesquelles il s’auto-proclame «inventeur du jazz»!

De 1926 à 1929 c’est l’apogée de sa carrière. Il fonde plusieurs orchestres considérés par les historiens du jazz comme vraiment innovants. Le plus populaire est les « Red Hot Peppers » (les « chauds » piments rouges!). Ses arrangements et compositions, enregistrés par des labels prestigieux, sont d’une grande modernité. Ses disques se vendent bien.
Mais, plus que jamais il est arrogant, désagréable, fanfaron, prétentieux et donneur de leçons. Il se met ainsi à dos le petit monde du jazz naissant.
En 1936, victime de la crise économique, il se retrouve pianiste de bar, dans un établissement fort modeste.

Un musicologue, Alan Lomax, le re-découvre par hasard et enregistre pendant de longues heures, ses incroyables souvenirs. Lomax tire de ces entretiens un livre passionnant.
Morton retrouve en 1939, à un moment où le style « new-orleans » revient à la mode, le chemin des studios d’enregistrements mais cette « renaissance » est de courte durée. Malade il meurt, quasi anonymement, en 1941.
Plusieurs albums publiés sous nom lors de ses périodes flamboyantes sont réédités régulièrement et témoignent de son talent et de son originalité. Certaines de ses compositions sont aujourd’hui encore jouées par de très grands jazzmen. Wynton Marsalis (l’idole de Jazz in Marciac) et Charlie Mingus ont écrit des thèmes qui lui sont dédiés. On trouve sur internet moult témoignages, à découvrir, de ses talents multiformes.

Pierre-Henri Ardonceau

Prochaine chronique: Sidney Bechet.