COMMENT ON A EXPLOITE ET PILLE LA MUSIQUE DES NOIRS US !

morgantini02Tout au long du 20ème siècle, toutes les expressions artistiques des noirs des USA ont été une véritable mine inépuisable dans laquelle les blancs ont pu puiser sans vergogne. Ces plagiaires se sont installés sur le devant de la scène (avec tous les avantages) au détriment des authentiques créateurs qui sont restés souvent dans l’ombre où même tout simplement ignorés, et ce dans tous les styles, dans toutes les facettes créées par la vitalité créatrice, les dons et même le génie de cette population. Le Gospel, le Blues, puis le Jazz ont été l’émanation de l’âme noire depuis l’abolition de l’esclavage aux USA. Ce fût le triomphe pacifique et tonique des noirs sur l’oppression des blancs !

Mais le monde blanc US a été vigilant et efficace ! Ces diverses facettes du génie musical des noirs ont été d’abord ignorées, méprisées par le monde blanc, puis très astucieusement les blancs ont plagié ces artistes, détournant vers eux ce qui aurait dû revenir naturellement aux créateurs noirs. Tous les médias, marques de disques, studios de cinéma, télé ensuite, (aux mains des blancs) ont minimisé honteusement la création des noirs, en mettant à leur place, les « artistes » blancs, et enfin, encore plus perfide, l’arrivée du « be-bop » a été l’arme absolue. Tout le monde, médias, radios, propriétaires de clubs, intellectuels, critiques se sont rués sur ce véritable « cadeau » et l’ont porté aux nues, car là, il n’était plus question de swing, de sonorités somptueuses, de feeling, d’émotion, que détenaient les artistes noirs, un blanc avec des doigts pouvait courir aussi vite qu’un noir sur son biniou. Là, confort suprême, on n’était plus écrasé, par les colored people ! Vive le be-bop, le jazz progressiste, voire le free-jazz ! Et en plus on a fait honte aux jeunes noirs de la musique de leurs anciens, de leur race « eh, tu vas pas jouer le blues, c’est la musique de l’esclavage, quant au jazz c’est la zizique de ton grand-père,… » Résultat les grands musiciens pour meubler des formations importantes n’avaient plus à leur disposition que des musiciens blancs de pupitre, plus de noirs ! Dans le blues on voit des Buddy Guy, des Chuck Berry sur scène uniquement avec des blancs, loin de la valeur de leurs éminents anciens partenaires.

Et voilà comment on a affadi et détourné la forme artistique la plus aboutie, d’un peuple éminemment créateur, doué pour la musique, le chant, la danse, l’improvisation. De cette population noire s’est dégagé une élite, qui partant de racines « vocales », avec le negro-spiritual religieux et le blues profane, a créé la musique de Jazz au début du 20ème siècle. Cette musique s’est épanouie et a eu une influence considérable, universelle sur presque toutes les autres musiques !

Mais ne nous y trompons pas, tous les noirs des USA ne sont pas musiciens, tous ne sont pas des génies ! Il y a eu, il y a plus d’une quarantaine d’année, une cohorte d’amateurs, plus royalistes que le Roi, qui prônaient une supériorité absolue de la race noire, dans tous les domaines ! Holà, gardons notre calme, il y a eu, en fait, au cours du 20ème siècle, une éclosion de merveilleux artistes, dont un petit nombre étaient des génies, et qui ont eu la chance de pouvoir être entourés par de magnifiques partenaires, cela leur a permis de créer ensemble, la musique admirable, envoûtante, génératrice de joie, que nous aimons et devons défendre. S’il y a eu dans le Jazz, des génies, des très grands musiciens, de bons artisans, il y en a eu aussi de pitoyables, pour ne pas dire plus ! C’est une élite très restreinte finalement qui a créé ce merveilleux Jazz ! Certains en étaient presque à croire qu’il suffisait d’aller à la Nouvelle-Orléans et d’offrir au premier noir qui passait dans la rue, un saxo-soprano pour avoir un nouveau Sidney Bechet ! Ridicule !

Admirons, sans réserve, les Louis Armstrong, Sidney Bechet, Johnny Hodges, Coleman Hawkins, Fats Waller, Count Basie, Lionel Hampton, Chick Webb, Joe Turner, Bessie Smith, John Lee Hooker, Rosetta Tharpe, les Nicholas Brothers, etc… (mettez ici les noms de vos artistes préférés, pour compléter), mais c’est finalement juste une « aristocratie » de surdoués, qui ont eu la chance de se trouver à un moment favorable, afin de pouvoir jouer, et créer ensemble !. Mais, cette phalange était tellement créatrice que leur musique a eu un rayonnement universel ! N’a-t-il pas été miraculeux qu’à un moment Duke Ellington, par exemple, puisse grouper autour de lui, les Cootie Williams, Rex Stewart, Tricky Sam Nanton, Barney Bigard, Johnny Hodges, Ben Webster, Harry Carney, Jimmy Blanton… de même que Count Basie avec Buck Clayton, Harry Edison, Dickie Wells, Benny Morton, Earl Warren, Herschel Evans, Lester Young et les membres de sa miraculeuse section rythmique, Freddie Green, Walter Page, et Jo Jones ??? C’est ça la grandeur du Jazz : que ces magnifiques artistes au lieu d’aller chacun de son coté, se soient groupés pour œuvrer ensemble, car cette musique est basée sur la création collective !

Pour en revenir à la manière systématique, dont la musique noire a été spoliée, je donne quelques exemples :

  • – Dès le départ, le premier style orchestral de Jazz, le style Nouvelle-Orléans a eu sa « copie » blanche avec le style Dixieland. Dès 1917, le premier orchestre de « jazz » à être enregistré sur disque a été l’Original Dixieland Jazz Band composé uniquement de musiciens blancs, alors qu’il a fallu attendre 1923 pour que le premier orchestre noir d’importance celui du trompettiste King Oliver, secondé par un jeune trompettiste qui n’était autre que Louis Armstrong, puisse graver ses premiers enregistrements ! Et ça a continué avec les Dixielanders blancs de Californie ou les Chicagoans.
  •  – En ce qui concerne le Blues on assiste depuis une vingtaine d’années, à la promotion du Blues anglais, et on parle même de « blues blanc » dans des anthologies consacrées au blues!!! (Un comble !) J’ai constaté à Chicago, depuis la fin des années 70 à l’intrusion de plus en plus fréquente de musiciens blancs, derrière des grands bluesmen noirs. J’en parlais, en le regrettant, avec John Lee Hooker, qui m’a simplement dit en riant : « Ils veulent tous jouer et enregistrer avec moi, même si certains n’ont pas le real blues feeling, ça paie bien, et c’est le plus important ! ».   Vive Magic Slim qui depuis 1975 n’a rien changé, ni à son style, ni à la composition immuable de sa formation, avec lui-même guitare-vocal, un second guitariste, une basse électrique et une batterie.
  • – Pour le rock and roll on encense et on ne parle que des Elvis Presley, Bill Haley, GeneVincent et les Beatles,…alors que ce sont eux qui ont tout pris aux créateurs comme Chuck Berry, Muddy Waters, Fats Domino et bien d’autres. De plus, on sait que ce genre de jazz existait bien avant d’être désigné sous le nom de rock and roll, avec des précurseurs comme Big Joe Turner (« Shake, Rattle and Roll »), et les grands blues-shouters, Wynonie Harris, …Louis Jordan, …même le grand orchestre de Lionel Hampton jouait parfois du vrai rock & roll (« Oh, Rock »)…Comme le formidable orchestre du pianiste Buddy Johnson !
  • – Même chose pour le « rhythm and blues », où les maîtres en la matière sont les Roy Milton, Amos Milburn, Gene Phillips, Sonny Thompson, Buddy Johnson encore,…
  • – Au moment de la vogue dans les années 30 et 40 des grands orchestres, les « big bands », c’est le clarinettiste blanc Benny Goodman qui était sacré avec son orchestre « roi du swing » alors qu’en face de lui les Duke Ellington, Count Basie, Chick Webb, Jimmie Lunceford, Lucky Millinder, Erskine Hawkins, dirigeaient des orchestres infiniment supérieurs !
  • – Pour le tap-dance (la danse des claquettes) on ne parle que de Fred Astaire, ou Gene Kelly avec films, exhibitions, gloire,…alors qu’ils sont écrasés en créativité, aisance, souplesse, sens du spectacle par les Bill Robinson, Nicholas Brothers, Baby Lawrence, John Bubbles, Bill Bailey, Bunny Briggs, Jimmy Slyde, Gregory Hines, Sandman Sims… qu’ils ont copiés constamment !
  • – On pourrait encore multiplier les exemples…
  • – Quant au Gospel ? Le show-bizz ne s’étant pas intéressé à cet art vocal, il est resté très protégé et très ancré dans la communauté noire, qui tous les dimanches se presse en masse dans les temples, pour prier certes, mais aussi y écouter les prédicateurs, les chanteurs solistes, les chorales de la paroisse, et aussi participer ! Ainsi le Gospel est resté pur et inchangé au cours du siècle dernier ! Et où le show-bizz aurait-il pu trouver chez les blancs des voix de chanteuses du calibre des Mahalia Jackson, Sister Rosetta Tharpe, Clara Ward, Marie Knight ou Aretta Franklin ?

Oui, encore une raison de s’énerver, c’est le nouveau tic de notre époque que d’abuser du mot « jazzy » ! La dernière greluche formatée par une officine créatrice de tubes, vient de sortir un album très jazzy ! Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Ou c’est du jazz ou cela n’en est pas, mais aucune musique n’est vaguement jazzy, pas plus que valsy, tangy, bossa-novy ! Sus à l’emploi abusif de tous ces jargons approximatifs !

Le Jazz, le vrai c’est la musique, sur laquelle on peut danser, une musique génératrice de joie, celle qui transmet des émotions profondes, celle des LOUIS ARMSTRONG, SIDNEY BECHET, KID ORY, DUKE ELLINGTON, COUNT BASIE, CHICK WEBB, LIONEL HAMPTON, COLEMAN HAWKINS, JOHNNY HODGES, FATS WALLER, EARL HINES, ERROLL GARNER, RAY CHARLES, T-BONE WALKER, B.B.KING, FATS DOMINO, ELLA FIZGERALD, ARETTA FRANKLIN, … ainsi que tous les autres merveilleux artistes moins connus, qui ont, artistiquement, dominé tout le 20ème siècle, sur la scène musicale du monde ! Même si, et c’est regrettable de le constater, le règne des grands créateurs est hélas terminé !

Jacques MORGANTINI

P.S. Des initiés pourront penser que ce qui est écrit plus haut est bien connu. Mais est-ce aussi connu que ça ? D’eux, peut-être, mais pas d’une très grande majorité ! Et il ne me semble pas inutile de continuer à enfoncer le clou ! Et c’est mon avis, alors, pourquoi ne pas applaudir ???

 

4 réflexions sur « COMMENT ON A EXPLOITE ET PILLE LA MUSIQUE DES NOIRS US ! »

  1. Le be bop à été la création d’artistes afro américains .
    Aujourd’hui encore le génie de Parker et monk est toujours d’actualité .
    Le bop fut une rupture dans le jazz : les tempi ne permettait plus d’en faire une musique dansante .
    Ceci dit : et malgré la spoliation culturelle des blancs ; de grands instrumentistes américains ont contribué à la légende : Stan gets , Bill Evans , cher Baker , jean Luc ponty , Frank rosolino , Howard Lévy , Keith jarrett , Eddie gomez , Joe zawinul , Michael brecker , Paul desmond , dave brubeck , schelly manne , Dave holland : ils sont tous blancs monsieur morgantini !!!
    L’histoire du jazz ne s’arrête pas à Louis amstrong ; le jazz est le fruit du blues , c’est une musique de métissage culturel et racial et c’est très bien comme ça .
    Le jazz n’appartient ni aux noirs ni aux blancs : il appartient à l’humanité dans son ensemble , sa complexité , ses croisements .
    Le british blues à revele des musicisiens remarquables , pétris de blues et qui ont pour la plupart payes leurs dettes aux créateurs : Éric clapton , jeff Beck , Brian Auger , les rolling stones , les Beatles : leur musique , fruit d’un mélange était magnifique !
    Vive le mélange des genres , vive la mixité des styles qui seule engendre la vie : si nous en étions restés au blues des champs de coton l’histoire de la musique populaire américaine aurait été bien ennuyeuse vous ne croyez pas monsieur morgantini ???
    Quand a Hughes panassie dont vous semblez être l’emule : sachez que l’histoire de la musique le considère comme un pauvre hère , Incapable d’avoir compris à l’époque l’importance des modernes tant il était irrémédiablement accroché à ses convictions sur le  » vrai jazz  » : sourd tragiquement à la réalité du temps , de la vie , du flux vital de la musique .
    La musique : ce sont les musiciens qui en parlent le mieux : pas des critiques de secondes zone qui se sont arrêtés en 1940 !
    Retournéz vous donc au blues , à Louis amstrong et duke ( que j’admire ) , restez sur vos convictions : c’est votre pire punition : pendant ce temps le jazz se nourrit du présent du futur et continuera d’évoluer , que se soit avec des miliciens blancs ou noirs : qu’importe : le jazz embrasse l’humanité dans son ensemble : de watanabe à roland kirk de hancock à louis sclavis , de hueara à lonnie Smith : pour le comprendre il faut simplement ouvrir Son coeur et …………. Ses oreilles monsieur morgantini .

    Philippe Cros

    1. apparemment vous avez du mal admettre que le jazz est une musique créer par les noirs. mais vous préférez plutôt nous parler de ces histoires d’universaliste que toute chose est le fruit d’un melange , par contre quand il s’agit de nous parler de musique classique et ces grands virtuoses il n’y a pas de mélange culturel ou autre concernant la creation et l’histoire de cette musique c’est l’exclusivité d’une creation européenne. le blues et le jazz sont des musiques créer et illustrer par le génie noir. le jazz n’appartient pas a l’humanité comme vous le dites il appartient au monde noir pas seulement au noir américain, meme les africains qui sont sur le continent peuvent ce sentir concerné par cette art parce qu’on ressent l’africanité dans cette musique quelque de profondément spirituel la douleur d’un peuple oppressé, et il ya un poète et dramaturge afro américain il se nomme leRoi jones, qui a Deconstruit l’histoire du jazz raconté par les blancs dans son petit livre qui est remarquable ( le peuple du blues) et a rendu a travers ce petit ouvrage le jazz au monde noir et il a dit lors d’un interview qu’il arrivait a reconnaitre a l’oreille le jeu musicale d’un noir a celui d’un blanc ce n’est pas pareil toujours imiter mais jamais égaler. Mr morgantini dit la vérité les blancs ne sont rien d’autre que des plagiaires voulant s’accaparé de toute les creations qui ne vienne pas d’eux et pas seulement dans la musique mais la n’est pas le sujet donc pour résumé il faut apprendre a accepter ce qui est vrai et faire preuve d’honnêteté, le jazz est une creation purement noir tout comme la musique classique pour le monde blanc .

      1. Amiri Baraka (anciennement LeRoi Jones), a aimé et défendu des musiciens comme John Coltrane, Cecil Taylor et des dizaines de « modernes » que les partisans de la « tradition » comme M. Morgantini rejettent.

  2. Bonjour à tous.
    Mr Morgantini, si je ne peux qu’abonder dans votre sens lorsqu’il s’agit de dénoncer la spoliation des Noirs par le Blancs (et malheureusement pas seulement dans le domaine du jazz), je reste néanmoins stupéfait devant votre conception réductrice de la musique vivante. Si j’en crois votre démonstration, et en l’élargissant à d’autres formes d’expression artistique, faut-il en déduire par exemple que Picasso n’avait aucun génie et que seules les peintures rupestres de la grotte de Lascaux sont représentatives de l’art pictural? Molière marque t-il un coup d’arrêt à la recherche théâtrale? L’habitat troglodyte doit-il être considéré comme la forme la plus aboutie de l’Architecture? Etc, etc…
    Le propre du vivant, Mr Morgantini, c’est d’évoluer. Cherchez et vous trouverez.
    Bon courage…

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