LES GRANDS NOMS DU JAZZ (7)

FATS WALLER (1904/1943)

Fats Waller (1904/1943)
Le jazz joyeux

Thomas Wright Waller, dit « Fats », pianiste virtuose, organiste et vocaliste hilarant, est l’une des figures les plus insolites et influentes du monde du jazz.
Grand (1,90 m) et massif, il pesait selon ses biographes plus de 130 kilos. D’où le surnom de « Fats »…
Il est mort, célèbre et populaire, à 39 ans. En pleine gloire.
Son histoire est étonnante à plus d’un titre.
Sa famille vit à Harlem. Tout jeune il joue de l’harmonium et de l’orgue dans l’église de son père qui est pasteur. Les oeuvres de Bach, qu’il interprète « à l’oreille », le fascinent. A 14 ans, il gagne un important concours de jeunes talents, ce qui lui procure ses premiers engagements professionnels. A 15 ans il est recruté comme pianiste et organiste pour accompagner les films muets. Le cinéma n’est pas encore parlant, il ne le deviendra qu’en 1927.
Puis, très vite, Fats joue et chante dans différents petits clubs de jazz de Harlem.
Avant la seconde guerre mondiale, le quartier new-yorkais de Harlem, est un des hauts lieux de la culture afro-américaine. Le jazz y est omniprésent : dancings, théâtres, cabarets…
Après le travail (« after work »), les musiciens new-yorkais se réunissent et jouent, pour le plaisir, jusqu’à l’aube, dans leurs appartements d’Harlem. Dans ces soirées privées Fats Waller se distingue par son jeu de piano, virtuose et original. Mais aussi par sa manière de chanter, joyeuse et exubérante. Le « buzz » fonctionne à plein régime et… il devient alors très populaire: enregistrements de 78 tours, création de petits orchestres engagés dans des clubs prestigieux, tournées en Europe et aux USA…
Ces petits orchestres de jazz d’alors sont dénommés « combos ». Ils se différencient nettement, à de nombreux points de vue, des grands orchestres, ce sont des petites formations. Cinq ou six musiciens au maximum, versus les 15 ou 20 instrumentistes des big bands !
Au piano Fats Waller pratique le « stride ». Style pianistique en rupture avec le ragtime. Très mécanique le ragtime ne swingue pas. Le stride, oui. Cette approche du clavier tout en souplesse et balancement donne envie de danser et de claquer des doigts… Caractéristiques essentielles du jazz de l’ère du swing.
Le stride de F.Waller est élégant, sophistiqué. Il utilise toute l’étendue, toutes les ressources du clavier. Main gauche puissante, bondissante et main droite toute en légèreté dans les aigus. Soliste imaginatif et généreux.
Fats s’était composé un sacré personnage: chapeau melon incliné de travers, gilet rouge, fines moustaches, oeillades égrillardes, cigarette aux lèvres et bouteille de gin à proximité… Chanteur il métamorphose les rengaines à la mode dans un style gouailleur et facétieux. Il roucoule, claque la langue…
Le grand public adore ses pitreries.
Amuseur certes mais aussi musicien exceptionnel.
Fats a composé près de 400 thèmes et enregistré plus de 700 morceaux ! Certains sont devenus des standards dans l’univers du jazz comme, entre autres, Black and Blue, Honeysuckle Rose ou Jitterburg Waltz (avec ce morceau il est le premier jazzman à avoir fait « swinguer » une valse…).
Il a mis en musique et en paroles le « jive », l’argot très « chaud » d’Harlem. Quelques musicologues pensent même qu’il a préfiguré le rap des années 70 !
Au début des années 40 sa popularité va être enrichie par sa participation aux tournages de nombreux « soundies ». Les soundies sont les ancêtres des scopitones et des clips vidéos. Courts métrages de quelques minutes, réalisés avec peu de moyens, ils mettent en scène un thème musical ou une chanson. Les soundies étaient diffusés avec succès principalement dans des bars et restaurants. On peut visionner sur internet quelques soundies étonnants et drôles de F.Waller. Son aisance sur l’écran a amené les producteurs d’Hollywood à lui proposer de tourner dans des longs métrages à gros budget. Comme dans le chef d’oeuvre « Stormy Wheater » de 1943, où tous les acteurs et musiciens sont afro-américains. Caractéristique exceptionnelle pour une époque où les grands studios hollywoodiens étaient ségrégationnistes.
Ses deux interventions dans ce film sont superbes.
Destin tragique d’un joyeux drille talentueux, quelques mois à peine après la fin du tournage de Stormy Wheater, Fats Waller meurt d’une pneumonie dans le wagon-lit du train qui le ramenait, très malade et affaibli par son alcoolisme chronique, de la côte ouest des USA.
Une foule immense  assiste à son enterrement à New-York.
Un grand nom du jazz, incontestablement, venait de disparaître. A 39 ans.

Pierre-Henri Ardonceau

Quelques vidéos emblématiques de Fats Waller

Your feets are too big (Original Soundie)

version colorisée !!!

Ain´t Misbehavin´ (1943) Tiré du film Stormy Wheater

Honeysuckle Rose (Original Soundie)

This Joint Is Jumpin’ (194) … une « rent party » à Harlem…

I‘ve Got My Fingers Crossed

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