Charlie « Bird » Parker (1920/1955)
L’oiseau de feu du be-bop
En 1948 Charlie Parker avait choisi, pour des raisons mystérieuses, « Bird » comme surnom*. Saxophoniste alto, compositeur et chef d’orchestre, C.Parker est né à Kansas City. Ville très importante dans l’histoire du jazz, place forte du style swing dans les années 30. Tout jeune il travaille intensément son instrument. A 17 ans il débute sa carrière professionnelle dans sa ville natale. Mais… New-York l’attire. A 19 ans il s’y installe. Débuts difficiles: il travaille comme plongeur dans le restaurant où se produit le pianiste Art Tatum. Fasciné par le génie harmonique d’A.Tatum, il s’en inspirera pour faire évoluer sa future vision du jazz. Au début des années 1940 il commence à se faire remarquer comme soliste étonnant au sein de grands orchestres très populaires à New-York. Tournant décisif dans sa carrière, Parker participe au début des années 40, avec, entre autres, Dizzy Gillespie et Thelonious Monk, aux fameuses jam-sessions du « Minton’s », club mythique d’Harlem où le be-bop (le jazz moderne) va naître. Dans l’histoire du jazz l’apparition du be-bop est considérée comme une « révolution ». Les be-boppers sont des « enfants » du jazz classique, ils ne renient pas les anciens… mais ils revendiquent une façon d’être différente et un nouveau langage. Ils sont réfractaires à une certaine « routine » propre aux orchestres swing. Pour eux, l’univers du jazz classique est trop simpliste, trop commercial.
Entre 1942 et 1944 une grève très suivie des studios d’enregistrements va avoir comme conséquence une « naissance » quasi secrète du be-bop. Seuls les jazzmen et auditeurs présents lors des jam-sessions du Minton’s ont su qu’il se passait quelque chose d’assez incroyable dans le petit monde du jazz… Aucun disque n’en a témoigné… La grève des studios terminée, le be-bop se diffuse rapidement via de nombreux enregistrements. Les têtes d’affiche du nouveau style (comme Dizzy Gillespie, Thelonious Monk et, bien sûr… Bird) sont programmées dans moult concerts. Aux USA et dans le monde entier. Très vite C. Parker est reconnu comme un improvisateur original et extraordinaire. Il est très sollicité. Dès 1945 il est considéré comme un des (le?) plus grand improvisateur de l’histoire du jazz. Durant sa courte carrière (une quinzaine d’années…), il a mis toute sa virtuosité instrumentale au service d’une remarquable imagination rythmique, harmonique et mélodique en proposant une nouvelle sonorité pour le saxophone. Sonorité qui se différencie des nuances veloutées de ses prédécesseurs: mate, incisive, tranchante, ultra-puissante.
En concert il alternait prestations extraordinaires et… calamiteuses ! Car très vite ses addictions à l’héroïne et à l’alcool ont affecté gravement sa santé physique et psychique et ont perturbé sa carrière. Il était capable de se présenter parfois à ses concerts et à ses enregistrements dans un état désastreux… si du moins il parvenait à venir ! Mais cela ne l’a pas empêché, quand il se sentait bien, d’offrir des solos virtuoses et époustouflants…
Lors d’une tournée sur la côte ouest des USA fin 1945, il avait mis le feu à sa chambre d’hôtel et avait dû effectuer un séjour de 7 mois en psychiatrie à l’hôpital de Camarillo (il écrira un superbe thème dédié à ce séjour : « Relaxin at Camarillo » !). A la sortie de l’hôpital il se remet sur pied avec un superbe nouveau quintet dans lequel joue Miles Davis à la trompette. Miles Davis vénérait Parker et a enregistré avec lui quelques chefs- d’oeuvre du be-bop.
En 1948 un luxueux club de jazz new-yorkais est créé. Il lui est dédié : Le « Birdland ». Il y jouera peu car, souvent privé de sa carte professionnelle de travail pour ses addictions à l’héroïne, il n’est pas autorisé à s’y produire !
À Paris, salle Pleyel, en 1949 il a bluffé Boris Vian qui, rendant compte de la prestation de Bird écrit : « Il a l’œil vitreux comme un zombie, mais alors, ensuite, quel déluge ! On est soufflé, ahuri « .
Dans les années 50 son comportement instable et autodestructeur, le pousse plusieurs fois, à nouveau, à tenter de mettre fin à ses jours. Sa santé se dégrade fortement (ulcères, cirrhose…) mais il offre quand même, malheureusement de plus en plus rarement, quelques éclairs de son génie musical… Nouveau choc, qui n’améliore pas son état : sa fille Pree meurt toute jeune en 1954.
Le 9 mars 1955, totalement épuisé, Charlie Parker se rend, pour y être hébergé, à l’hôtel de grand luxe new-yorkais où vivait l’extravagante baronne anglaise Pannonica (dite « Nica ») de Koenigswarter, qui fut la mécène de nombreux musiciens de jazz moderne. C’est dans une chambre de cet hôtel que, trois jours plus tard, Parker décède en regardant une émission de télévision. Succombant, selon les constatations du médecin à des ulcères, une pneumonie et vraisemblablement aussi à une crise cardiaque. Dans l’ acte de décès le médecin aurait évalué l’âge du défunt à « environ 60 ans ». Parker en avait 35 !
En 1988 Clint Eastwood dans son film (de 2h40), « Bird », consacré à la vie de Parker, nous montre tout cela. Quelques scènes évoquant ses « polydépendances » destructrices sont, à l’image de la vie de Parker, à la limite du soutenable.
* Plusieurs interprétations, fort différentes, ont été proposées par ses biographes…
Après sa mort, des admirateurs ont orné les murs de New York du graffiti « Bird lives » (Bird vit). Sa contribution à l’histoire du jazz est immense, et de nombreux jazzmen se réclament de son héritage.
Si Louis Armstrong a codifié, l’art de l’improvisation Charlie Parker, l’a enrichi.
Selmer la prestigieuse fabrique française de saxophones a dédié un modèle haut de gamme à Parker.
Pierre-Henri Ardonceau