ELLA FIZGERALD

ELLA FITZGERALD, LA REINE DES CHANTEUSES !


ELLA est née en Avril 1918 en Virginie. Elle perd ses parents très jeune et se trouve placée ans un orphelinat de New-York. Elle veut d’abord être danseuse, mais heureusement pour nous, elle choisit le chant et c’est réellement le bon choix, car dès 1934 elle gagne un tournoi d’amateurs à V’APOLLO de Harlem, ce qui lui permet d’être engagée, très vite, dans l’orchestre du fameux batteur CHICK WEBB, qui dirigeait l’orchestre maison et était la vedette du fameux SAVOY BALLROOM, le plus grand dancing du monde sur Lenox Avenue !
Il faut savoir que dans ces années 30, il fallait à chaque grande formation au moins une excellente chanteuse, et un chanteur genre crooner dont la voix sirupeuse avait pour fonction de bouleverser les Dames ! Sans vocaliste, un orchestre ne pouvait prétendre arriver au sommet ! Donc, immédiatement la jeune ELLA, âgée de moins de 20 ans, par son rayonnement propulsa l’orchestre de CHICK WEBB au premier rang. La voici dans une de ses premières apparitions en disque I’LL CHASE THE BLUES AWAY et on ne peut qu’être séduit par la spontanéité et l’allant de cette toute jeune chanteuse, qui fait preuve à chaque instant d’une bien belle assurance. Egalement tout au long de SING ME A SWING SONG AND LET ME DANCE , qui contient de solides breaks de batterie du chef CHICK WEBB.
Dès ses premiers disques avec l’orchestre elle enlève le morceau : sa voix
d’une exceptionnelle fraîcheur ne peut manquer de séduire. Et très vite, elle acquiert une autorité, un rayonnement qui la fera désigner très vite sous l’appellation flatteuse de < Reine du Savoy > ! ll faut dire qu’accompagnée par un tel orchestre elle était mise dans les meilleures conditions pour briller et s’imposer au premier rang des chanteuses de Jazz, place qui fût du reste la sienne, pendant toute sa longue et si riche carrière. Nous allons simplement passer certains de ses meilleurs titres avec l’orchestre de CHICK WEBB, qui fût pour elle un mentor remarquable, s’occupant autant de la mise en place de ses chansons, de son timing, que de ses tenues de scène ! Elle savait d’instinct avoir les inflexions les plus subtiles, mettre I’émotion qui touche par son phrasé, son articulation parfaite, sans parler de son swing de tous les instants. Naturel est bien le mot qui peut résumer la musique d’ELLA, elle chante sans chichis, sans maniérisme, sans affectation, et sa voix fraîche, son ingénuité, ne peuvent que séduire l’auditeur. Maintenant de 1936, un titre notable pour tous, et surtout la chanteuse : A LITTLE BIT LATER ON. Les solos de trompette sont de TAFT JORDAN, ceux de trombone de SANDY WILLIAMS, quant au ténor c’est TED McRAE.
Le rusé CHICK WEBB a compris que sa chanteuse était un atout de première importance pour asseoir la réputation de son orchestre, à tel point que les faces de certaines séances chez Decca, comprenaient toutes des vocaux d’ELLA ! Mieux, il lui donne la vedette dans une séance de Novembre 1936, l’accompagnant avec seulement un petit groupe de ses meilleurs solistes. De ce jour extrayons le beau et irrésistible SHINE ! Le solo de ténor est de TEDDY McRAE.
Rapidement l’association WEBB-FITZGERALD devint l’attraction no 1 auprès des danseurs de < lindy-hop > de Harlem, aucune autre chanteuse ne parvenait à les enthousiasmer comme ELLA le faisait dans ses vocaux. Dès lors les succès se succèdent, et ELLA prend de plus en plus d’assurance sans heureusement perdre cette candeur juvénile qui rend ses premiers disques tellement plaisants, et même touchants à écouter. C’est une belle fleur qui est en train d’éclore dirait le poète, que je ne suis pas !
J’aime le < traitement > qu’elle donne à la vieille rengaine de l’orgue de barbarie intitulée ORGAN GRINDER’S SWING avec un court passage de trombone de SANDY WILLIAMS qui était pour moi, chez les souffleurs, la grande vedette de l’orchestre, avec, et c’est nouveau, quelques petites phrases en scat, style qu’elle développera d’une manière prodigieuse plus tard ! Il en est de même à la fin de JUST A SIMPLE MELODY traité avec grâce et désinvolture.
Nous arrivons en 1937 et les chefs-d’œuvre vont se succéder, un d’entre eux est prémonitoire c’est ROCK IT FOR ME , qu’elle détaille avec une verve irrésistible, allant jusqu’à prononcer en 1937 le mot < rock and roll > !!! Elle dit même :<j’en ai marre des symphonies, oh, rock it for me >!
A partir de 1937 la batterie de CHICK est mieux enregistrée, plus présente et on peut ne rien perdre de ses breaks et relances qui animent l’orchestre ! Enchaînons avec un titre particulièrement enlevé, qui eut en son temps un grand succès, THE DIPSY DOODLE, avec un splendide solo du trombone Sandy Williams et vocal fripon d’ELLA très en voix. Elle crée un swing considérable rien que pars sa manière aisée de distiller, de détailler son texte, encore une fois son articulation parfaite permet de toujours comprendre tout ce qu’elle chante ! Ce qui n’est pas si courant chez beaucoup de ses conscurs. Sa maîtrise vocale ne fait que progresser pour atteindre un niveau sans égal! Ce n’est plus une voix c’est un véritable instrument dont elle se sert avec une sûreté déconcertante. Nous le verrons très en détail, plus loin, lorsqu’elle se mettra à utiliser dans certains morceaux le chant scat avec des variations étourdissantes! Nous arrivons à un titre qui fût un énorme succès tant pour elle que pour l’orchestre, c’est le célèbre A-TISKET,_A-TASKET. Un des disques phares de l’année 1938 aux USA, qui restera indissolublement lié à son nom ! Cette interprétation lui procurera une immense popularité, tant auprès du public noir que du public blanc qui commence à la découvrir,
Autre grand titre qui lui permet d’asseoir sa réputation UNDECIDED thème à la mode dans ces années, que l’on doit à la plume du trompettiste CHARLIE SHAVERS , ne ratez pas les formidables breaks de CHICK à la batterie ! Mais hélas, le magique batteur devait mourir en Juin 1939 ! Courageusement et pendant deux ans, ELLA permet à tout l’orchestre de survivre, car elle en prend la direction, avec l’aide pour la partie musicale, et la mise en place des arrangements du saxo-ténor TED McRAE. Mais CHICK n’étant plus là pour propulser tous ses musiciens, le charme et la qualité de la musique n’y sont plus!
Elle entreprend, alors, une carrière de chanteuse soliste faisant des tournées souvent avec un trio, participant à l’occasion à des concerts du Jazz at the Philarmonic, enregistrant des disques avec des orchestres occasionnels. De cette époque en 1943, elle frappe un grand coup avec le groupe vocal les INK SPOTS. Le titre qui l’installe définitivement au sommet n’est autre que le fameux COW COW BOOGIE.
Devenue une star incontournable, à la technique vocale proche de la
perfection, il est normal qu’on lui ait proposé d’enregistrer des duos avec des partenaires dignes d’elle, tiens avec LOUIS SATCHMO > ARMSTRONG, sa trompette, sa voix irremplaçable, pour un titre où leur complicité fait merveille, CAN _ANYONE EXPLAIN !
En 1946, un disque a eu une importance considérable dans l’orientation de sa carrière, c’est son interprétation de FLYIN HOME . Pourquoi? Simplement parce que pour la première fois elle interprète tout un morceau en vocalises et scat, elle démarre en tournant autour du solo d’ILLINOIS JACQUET et en le phrasant à sa façon et en reprenant, à elle seule, l’arrangement de l’orchestre de LIONEL HAMPTON ! Un tournant, une nouvelle voie s’offre à elle, et on réalise qu’elle se sert de sa voix comme d’un instrument, ce n’est plus une chanteuse, mais un musicien soliste, surtout un saxophoniste qui improvise à longueur de morceaux !! Sa technique vocale est stupéfiante et rien ne lui est impossible. Je l’ai peu connue, mais un jour je lui ai fait la remarque suivante : < On voit que dans vos variations en scat, vous improvisez comme le fait un instrumentiste, notamment un saxo-ténor, ce que vous chantez
évoque un saxophone > ! Elle me répond aussitôt < Oui je suis un ténor, je suis dans ces cas là, Illinois Jacquet !!! >. Son débit, ses inflexions, ses notes tenues, le déroulement de ses solos en vocalises sont vraiment ce que l’on imagine voir sortir du pavillon d’un ténor et un très bon, hein Jean-Baptiste ? Un exemple demandez-vous, fébriles ??? Ecoutez de 1947, à quel point elle est étourdissante dans OH! LADY BE GOOD , connaissez-vous une chanteuse qui peut venir à la cheville d’ELLA ??? Poser la question c’est donner la réponse, personne ne peut offrir une telle palette, quant à son SWING vous venez de l’entendre!
On lui fait enregistrer, sur-enregistrer des ballades de tous les compositeurs blancs, malgré toute sa verve, les thèmes, les arrangements pompiers vont nous permettre de nous éloigner de ces morceaux genre : < bonne nuit, les petits ! > Bien sûr avec son talent elle ne peut rien rater, elle n’est pas ici en cause, mais ce sont les Directeurs dits < Artistiques > que l’on doit maudire!
Nous allons sauter sur l’essentiel, l’étourdissant, l’exaltant, même plus I’INCROYABLE, avec de sacrés potes, DUKE ELLINGTON, son orchestre, ses solistes, des invités comme BEN WEBSTER, RAY NANCE et quand même, il faut le mentionner < mon homme > CAT ANDERSON (pas assez en avant, hélas !) et pas assez longuement, et pas assez souvent !
Tiens, si on se < cognait > d’entrée ce formidable MACK THE KNIFE ??? Remarquez comme elle énerve, rend dingues tous les musiciens avec son SWING dément, elle ne cesse de POUSSER sans cesse de chorus en chorus, avec des changements de tons amenés avec un contrôle, une désinvolture inouïs, et elle en demande sans cesse, elle veut en chanter toujours un (chorus) de plus et clame au bon moment : < one more >, et plus loin : < just one more !!!!!!! Je n’ai qu’un mot que vous partagez, je suis sûr : PUTAIN !
Pour continuer à vous embarquer vers les sommets, voilà du même jour une renversante version de SWEET GEORGIA BROWN , étonnant comme elle s’approprie ce morceau que l’on connaît pourtant par cœur ! Et ses envolées dans le suraigu ? Stupéfiant !
Maintenant, on y va pour le classique de DUKE, IT DON’T MEAN A THING, avec en renfort BEN WEBSTER au ténor, RAY NANCE (vocal) qui dialogue avec elle, et en plus BEN, et l’after-beat du batteur SAM WOODYARD. Quel malheur, dans ce bonheur de 7 minutes, que CAT ANDERSON qui surgit enfin, ne joue pas plus et ne soit pas mieux enregistré, il lançait ses fusées depuis le dernier rang où se tenaient les trompettes ! Oserais-je réécrire : PUTAIN !???
C’est la folie avec un COTTON TAIL pris dans un tempo infernal, au cours
duquel elle dialogue avec le ténor PAUL GONSALVES qui essaie de rejouer ce qu’elle a improvisé. Elle fait preuve là, d’une vivacité, d’une virtuosité inouïe, d’une créativité, d’une joie de vivre, d’un punch, ABSOLUMENT UNIQUES !
De plus cette chanteuse qui plane très haut, au dessus de toutes les autres, était un être délicieux, d’une simplicité déroutante, presque étonnée de recevoir tant d’ovations, de témoignages d’admiration
Un être humain magnifique, quant à la chanteuse, je pense que vous avez
compris, et que vous savez à quoi vous en tenir !!!

Jacques MORGANTINI

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