LES GRANDS NOMS DU JAZZ (19)

RAY CHARLES (1930/2004)

« The genius »
Né dans une famille très pauvre, en Georgie, dans le sud ségrégationniste des Etats Unis, Ray Charles a très mal débuté dans la vie. Son enfance est marquée par de graves traumatismes physiques et psychologiques. Père absent. Il est témoin impuissant de la noyade de son petit frère dans un baquet d’eau bouillante dont sa mère se servait pour laver le linge. Puis atteint d’un glaucome il devient définitivement aveugle à 7 ans. Sa mère le place dans une institution pour enfants aveugles. Il y reste 9 ans. Il y apprend le braille et suit une éducation musicale : piano et saxophone. La musique et le chant le passionnent. Le gospel notamment, jouera un très grand rôle dans sa carrière future. Très jeune il avait pianoté dans l’épicerie/bar de son quartier où l’épicier jouait des boogie-boogies !
« Je vois le monde avec mes oreilles…» a t-il écrit de belle manière dans sa biographie.
A 15 ans sa mère décède et il décide de devenir pianiste professionnel. De longues années de galères commencent alors. Pianiste de bar, mal payé, il se déplace, difficilement à cause de sa cécité, dans tous les Etats Unis. Il imite, au piano et au chant, le style doucereux de Nat King Cole, très populaire à l’époque. Mais, il le reconnaitra plus tard, il n’était pas fait pour être un crooner! Il joue ensuite dans des orchestres de danse. Il s’installe à Seattle où il rencontre Quincy Jones, grand trompettiste de jazz et surtout futur arrangeur et producteur de Michael Jackson ! Ils resteront très liés et Q. Jones produira plus tard de très importants albums de Ray Charles. Il accompagne aussi des grands bluesmen. Ce qui va fortement influencer son futur style où le blues sera toujours omniprésent.
Au début des années 50 il signe un contrat avec le superbe label Atlantic. Les producteurs « éclairés » de ce label lui laissent toute liberté de création pour ses enregistrements. Moment essentiel qui va amorcer le « décollage » de R.Charles vers de nouveaux horizons. En 1955, avec son premier tube « I got a woman », le grand public découvre l’originalité profonde de la musique de Ray Charles. Incroyable « cross over ». Fusion de différents styles : jazz, gospel, blues, rythm and blues, soul music. Ce qui surprend le plus à l’époque c’est qu’il transgresse les codes originels du gospel qu’il respecte certes formellement mais en les profanant. Il les amène vers des phrases joyeusement charnelles. Egrillardes. Parlons clair, les paroles d’« I got a woman » signifient: « Je cherche une gonzesse pour b… » ! Les églises condamnent fermement: « impie » ! « On ne vend pas la musique qui appartient à Dieu ». De nombreux concerts sont perturbés… Le grand public s’en fout. Il en redemande !
R. Charles tourne désormais avec un petit groupe d’excellents jazzmen et idée superbe qui va contribuer à sa popularité pour tout le reste de sa carrière : il crée un choeur de (belles) chanteuses : The Raelettes (orthographié parfois Raelets). Elles « martellent » systématiquement les débuts et fin de phrases de Ray…
C’est grâce à elles que nait le célèbre thème « What I say ». A la fin d’un concert signé contractuellement pour une durée de 4 heures Ray Charles n’a plus de thèmes à proposer au public… Il dit, superbe idée, à ses choristes de dialoguer avec lui ad libitum à partir de ses improvisations vocales et pianistiques… Ainsi est né un des tubes planétaires de Ray…
En 1959 il change de label. Il signe un contrat superbement rétribué chez ABC Paramount. Il veut continuer sa percée auprès du public blanc qui achète ses disques et assiste à ses concerts
Les tubes s’enchaînent. Pour mémoire, courte liste (bien incomplète !) des plus connus : Georgia on my mind (en hommage à son état de naissance), Hit the road Jack, Hallelujah I love her so, Unchain My Heart…
Les ventes deviennent gigantesques. Les concerts font le plein dans le monde entier. 
En France Ray Charles était très populaire. Grâce à Daniel Filipacchi et Frank Ténot. Qui, à la fin des années 50, diffusaient sa musique dans leur mythique émission « Pour ceux qui aiment le jazz » sur Europe 1. Mais qui programmaient aussi ses tubes dans leur émission «Salut les copains », toujours sur Europe 1. En fin d’après midi après le lycée les adolescents amateurs de yé-yé ont ainsi découvert la soul music de Ray Charles. Moult d’entre eux sont ainsi devenus des jazzfans…
Le cérémonial de ses concerts était étonnant. L’orchestre jouait sans lui quelques morceaux puis le maitre de cérémonie hurlait : «Mesdames et messieurs veuillez accueillir The Genius… Mister Ray Charles… ». Ray apparaissait alors en dansant maladroitement, soutenu par son « valet », avant, tout courbé, de s’installer au piano où il allait jouer en se balançant en d’amples mouvements de son corps… Nos lecteurs ayant assisté à ses concerts à Pau ou à Marciac doivent s’en souvenir, émus…
Sa voix brûlante, écorchée au bord de la déchirure est inoubliable.
Ray : personnage hors norme. Impossible d’évoquer toutes les étonnantes facettes de sa personnalité dans l’espace limité de cette chronique.
Ray Charles a vendu plusieurs dizaines de millions d’albums et a profondément influencé la musique du 20ème siècle. Elvis Presley, les Rollings Stones, et Stevie Wonder, entre autres se sont dit influencés par sa musique…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *