DIZZY GILLESPIE (1917/1993)
L’excentrique. Trompettiste virtuose.
Sa trompette au pavillon incliné vers le haut, ses joues gonflées à bloc comme celles d’un crapaud, sa joie de vivre et son humour ravageur sont pour beaucoup dans sa popularité auprès du grand public. Les jazzfans pointus, eux, le vénèrent. Comme l’un des pères fondateurs du jazz moderne dans les années 40. Son style spectaculaire, original, expansif et… joyeux, en concert comme dans les enregistrements de sa longue carrière, les séduit et les enthousiasme. Enfin, pour ses pairs, il est considéré comme un virtuose hors normes. Sa virtuosité qui exploite toutes les possibilités sonores de la trompette, jusqu’à ses notes les plus hautes, se caractérise par un jeu risqué, rapide, acrobatique, impressionnant…
Trompettiste, mais pas que. Dizzy était aussi… chanteur (désopilant !), compositeur prolixe (cf entre autres son célébrissime thème « A night in Tunisia ») et chef d’orchestre (petites formations et big bands).
John Birks Gillespie, son véritable patronyme, est le benjamin d’une famille de musiciens de neuf enfants. Initié à la musique dès l’âge de 4 ans il débute au trombone mais très rapidement, à 12 ans, il choisit définitivement la trompette. Boursier il est admis dans un un cursus d’études musicales de haut niveau… qu’il abandonne à 18 ans pour devenir musicien professionnel.
A 20 ans il débarque à New-York où il multiplie les expériences en jouant dans différentes formations. Il s’y fait remarquer, pas seulement comme excellent instrumentiste (impressionnante vitesse de jeu, improvisations débridées…), mais aussi par ses multiples facéties ! Son côté farceur lui valent le surnom de « Dizzy »… « Diz » dans l’argot des jazzmen d’alors était synonyme d’un peu « cinglé » ! Dizzy : « tout fou mais… pas fou ! », comme l’a écrit un de ses biographes.
Cab Calloway très populaire à la fin des années 30. En 1939 il engage Dizzy dans son grand orchestre. Il a 22 ans. Il reste presque 3 ans avec Cab Calloway, en dépit de leurs relations, humaines et musicales, pas vraiment très chaleureuses… Calloway trouve que les solos de Diz ressemblent à de la « musique chinoise » ! Mais surtout, les farces quotidiennes de Dizzy l’agacent…. Notamment des jets de boulettes de papier dans le dos du « chef » pendant les concerts… Dizzy est finalement licencié. Mais ses qualités de soliste et de bon « lecteur » de partitions lui permettent de retrouver immédiatement de nombreux engagements. Comme, entre autres, avec Ella Fitzgerald, Coleman Hawkins, Earl Hines ou Duke Ellington.
Au milieu des années 40 Dizzy participe très activement à la naissance du style be-bop (le jazz moderne). Fort tard dans la nuit (« after work »… après le boulot « alimentaire »!) de jeunes et talentueux musiciens se retrouvent dans quelques clubs new-yorkais pour de légendaires jam-sessions. Charlie Parker, Thelonious Monk, Kenny Clarke, Charlie Christian, Bud Powell et beaucoup d’autres inventent ainsi, en improvisant, une nouvelle forme de jazz. Tout en prolongeant toutes les qualités du jazz classique (le jazz swing des années 30) ils innovent : vitesse d’exécution, acrobaties musicales, harmonies originales… Dans la foulée en 1947 Dizzy introduit des rythmes venus de Cuba dans le jazz en intégrant de spectaculaires percussionnistes dans ses groupes. Bingo ! Be-bop et jazz afro-cubain : deux musiques qui vont le faire triompher dans le monde entier.
Venu à Paris en 1948 avec son grand orchestre, composé de jeunes be-boppers, Dizzy a déclenché une bataille d’Hernani… Des intégristes du « vrai jazz » se sont violemment affrontés verbalement (et même, paraît-il, un peu, physiquement) dans les couloirs de la Salle Pleyel avec les modernistes fans du be-bop. Dizzy avait mis « à feu et à sang » le petit monde du jazz parisien ! Dans ses mémoires (To Be or Not to Bop) il a raconté que cela l’avait beaucoup amusé !
Avec une personnalité aussi flamboyante, drôle et emblématique que Dizzy le jazz moderne a été très vite programmé, sans problème, dès les années 50 dans moult concerts et festivals à travers le monde.
A ce propos un bel exemple, tout près de Pau : Jazz in Marciac. Au début, à partir de 1978, les fondateurs du festival gersois avaient décidé d’axer leur programmation sur le jazz traditionnel. Mais découvrant que Juan les Pins, Nice, Nimes avec des têtes d’affiche « modernes » obtenaient des audiences fort importantes, il fut décidé d’ouvrir Marciac au jazz moderne… Qui fut choisi pour cette ouverture ? Dizzy bien sûr ! Et, en 1985, sous un petit chapiteau Dizzy a fait un malheur. Il est revenu ensuite plusieurs fois, avec grand succès à Marciac, dans différentes formules. Et sous des chapiteaux de plus en plus grands…
En 1956 les Etats Unis l’ont nommé officiellement, « Ambassadeur du jazz », pour faire connaître le jazz dans le monde. Choix judicieux.
En 1964 il s’était déclaré candidat à l’élection présidentielle américaine. Toujours son sens de l’humour, dans son programme: rebaptiser la Maison Blanche pour en faire la Maison du Blues !
Il adorait la France qui le lui rendait bien. Lors d’un Grand Echiquier, Maurice André l’immense trompettiste classique qui considérait Armstrong et Gillespie comme des génies de la trompette, avait « coudé » en direct dans un grand éclat de rire, en le tordant, le pavillon de son instrument pour rendre hommage à Dizzy !