LIONEL HAMPTON (1908 – 2002)
LIONEL HAMPTON
Le virtuose du vibraphone, maître du swing euphorique.
Tout jeune Lionel Hampton étudie la musique et joue principalement de la batterie, mais aussi du piano. Il déménage souvent, de Louisville à Chicago puis en Californie. Tout en poursuivant ses études dans toutes ces villes, il est recruté par des orchestres locaux de qualité.
Il a 22 ans quand, en 1930, à Los Angeles, Louis Armstrong, déjà star populaire du jazz, le convie comme batteur pour un enregistrement…
« Il y avait un vibraphone qui traînait dans le studio et Louis m’a demandé si je connaissais quelque chose à cet instrument. Par chance, jeune, j’avais pris quelques leçons de xylophone, le grand-père du vibraphone. Il m’a demandé si je pouvais en jouer un peu sur un morceau. Je lui ai dit “bien sûr. Je n’en ai jamais joué, mais c’est le même clavier que celui du xylophone !” ».
Belle intuition de la part d’Armstrong et coup de foudre musical pour Hampton !
Après ce tout premier solo de vibraphone de l’histoire du jazz, Hampton adopte avec enthousiasme l’instrument et va en devenir, très vite, un incroyable virtuose.
Courte note « technique » : le vibraphone est souvent confondu, à tort, avec le xylophone dont les lames sont en bois. Il a été inventé en 1916 et commercialisé seulement en 1922. Le son de ses lames en métal, qui couvrent 3 octaves, vibre grâce à des tubes résonateurs placés sous les lames, frappées avec des mailloches spéciales.
En 1936 pour la prestigieuse revue musicale Down Beat, Hampton est « La révélation de l’année ».
La même année Benny Goodman, clarinettiste blanc surnommé dans les médias américains « The King of Swing », très populaire auprès du grand public (bien au delà donc des jazzfans pointus), le repère. Goodman a alors l’idée, assez incroyable compte tenu de la ségrégation raciale violente régnant aux USA à cette époque, de créer un quartet « mixte », dit multi-racial : deux musiciens blancs et deux musiciens noirs. Tous quatre, grands noms du jazz swing. Lionel Hampton est au vibraphone. Le groupe tourne beaucoup dans tous les Etats-Unis et enregistre de nombreux disques. Ce quartet est une belle réussite musicale et économique. Mais lors des concerts dans le sud des USA les deux musiciens blancs et les deux musiciens afro-américains ne mangent pas et ne dorment pas dans les mêmes établissements ! Les lois racistes locales l’interdisent. Le superbe film « The Green Book » a évoqué ce contexte exécrable. Qui a longtemps perduré.
De 1937 à 1940 Hampton participe à de nombreuses séances d’enregistrements avec moult stars du jazz de l’époque.
En 1940, tournant décisif dans sa carrière, Hampton crée son « big band ». Qui connait un succès immédiat. Succès qui va se perpétuer pendant plusieurs décennies. Il recrute pour les différentes sections du grand orchestre (trompettes, trombones, saxophones), avec une grande intuition, de jeunes musiciens qui vont, pour la plupart, devenir des pointures du jazz. Comme, entre autres, le trompettiste Quincy Jones qui fera une phénoménale carrière après son passage chez Hampton.
Son épouse Gladys (véritable « dragon » selon les jeunes musiciens !), tel un chef d’entreprise à la poigne de fer, a managé, le big band pendant plus de 50 ans. Ainsi libéré des contingences matérielles Hampton a pu se consacrer pleinement à sa musique.
Avec sa grande formation, Hampton a parcouru, tous les grands festivals et toutes les grandes scènes d’Europe, d’Australie, d’Afrique, du Japon, du Moyen-Orient et, bien sûr, des USA. Tout près de nous, Hampton a souvent triomphé à Bordeaux, Marciac et… Pau! Pau, où il a joué et triomphé plusieurs fois.
Tous ceux qui ont assisté à ses concerts en gardent un souvenir inoubliable. Pourquoi?
Car un concert d’Hampton avec son grand orchestre était effectivement un très grand moment. Un show étonnant et torride où, Hampton jouait principalement du vibraphone, de manière vraiment impressionnante, en virtuose exubérant… Mais pas que ! Se souvenant de ses débuts à la batterie, il offrait toujours un solo où il jonglait avec les baguettes de manière spectaculaire, sans perdre le tempo ! Même fort âgé (à presque 90 ans !) il a continué à proposer ce solo de batterie très attendu par le public. Longtemps, tant qu’il a pu accomplir cette performance physique, il sautait même à pieds joints sur un tom basse et jouait en dansant, un solo avec les pieds… Et, spécial bonus, en « live »: de renversants solos de piano joués de manière percussive avec deux doigts !
Hampton est considéré comme un précurseur du Rock And Roll avec ses tubes, très attendus par le public, comme « Flying Home » et « Hey ! Ba ba re bop » ! Sans oublier son mythique « Oh when the saints » où il descendait dans la salle suivi par tous les musiciens de l’orchestre. Dans les années 50 il avait « mis le feu » à l’Olympia de Paris. Que dire de plus ?
Pierre-Henri Ardonceau